Quel avenir pour le Conseil de l’Europe ? (Partie ½)

, par Cyprien Bettini

Quel avenir pour le Conseil de l'Europe ? (Partie ½)
Vue du Palais de l’Europe, à Strasbourg. Crédits : Théo Boucart, 2023

Les 16 et 17 mai derniers, les quarante-six Etats membres du Conseil de l’Europe se sont rencontrés à Reykjavik (Islande) pour une réunion au sommet. A l’ordre du jour, la création d’un registre des dommages causés par la Russie envers l’Ukraine. L’occasion parfaite pour revenir sur le rôle de cette organisation malheureusement méconnue.

Mais au fait, à quoi diable sert le Conseil de l’Europe ?

On ne parle pas ici du Conseil de l’Union européenne, ni du Conseil européen. Non. Ces deux institutions sont des organes internes à l’Union européenne. On parle bien du Conseil de l’Europe, une organisation internationale dont le fonctionnement se rapproche davantage des Nations Unies que de l’Union européenne actuelle.

Créé en 1949, le Conseil était une première réponse à l’ambition de créer un espace de dialogue et de paix réunissant les nations européennes. Cette ambition sera également satisfaite trois ans plus tard avec la création de la Communauté du Charbon et de l’Acier

Cependant, il y a bien une chose que l’Union et le Conseil ont en commun, la défense active de la démocratie et des droits humains en Europe. A l’origine, cette mission incombait exclusivement au Conseil, l’Union européenne étant fondée sur des principes économiques.

Les choses étaient donc simples : lorsqu’un individu estimait que ses droits (tels que définis par la Convention européenne des Droits de l’Homme) étaient violés, il pouvait faire un recours devant la Cour européenne des droits de l’Homme, instance judiciaire de l’organisation, dont le siège se trouve à Strasbourg. Les choses ont bien changé depuis.

A partir des années 1990, la nouvelle Union européenne, qui avait déjà adopté les mêmes symboles que le Conseil, se voyait bien jouer un rôle dans la promotion des valeurs démocratiques. Outre les valeurs mentionnées dans l’article 2 du traité de Maastricht, l’Union adopte la Charte européenne des droits fondamentaux. Ce texte reprend l’essentiel des principes établis par la Convention tout en rappelant ceux à l’origine de l’Union européenne. Afin de correctement appliquer les principes de la Charte, l’Union a depuis rendu le texte juridiquement contraignant. Tout citoyen européen estimant que ses droits fondamentaux ont été violés peut porter plainte devant un État. La Cour de Justice de l’Union européenne peut alors se prononcer si elle y est invitée.

En plus de pouvoirs juridiques contraignants, l’Union peut également adopter des actes législatifs en codécision et dispose d’agences chargées de mettre ces actes en œuvre. Malgré les diverses initiatives prises par le Conseil de l’Europe, le manque de moyens et de volonté politique ont contribué à ce qu’il soit désormais talonné, voire parfois dépassé, par l’Union européenne.

Une concurrence et une exaspération croissantes

La situation ne s’est pas améliorée ces dernières années. Si le Traité de Lisbonne prévoit dans son Article 220 l’adhésion de l’Union à la Convention européenne des droits de l’Homme, la Cour de Justice de l’UE s’est prononcée contre une telle proposition. A l’origine de ce paradoxe, la Cour de Justice craint une perte du contrôle sur l’interprétation du droit de l’Union et notamment sur l’interprétation de la Charte. Malgré les tentatives des représentants des deux bords, la Cour ne déchante pas et reste campée sur ses positions.

Cette non-adhésion va également de pair avec une plus grande influence internationale de l’Union européenne au fil des ans. Pour ne pas arranger les choses, d’autres organisations se sont également immiscées dans ce champ. Un exemple flagrant de ce chevauchement des compétences se retrouve dans les missions d’observation électorale.

Traditionnellement, le Conseil de l’Europe a toujours déployé des missions d’observations électorales, notamment dans les Etats aux démocraties considérées comme fragiles. Or depuis plusieurs décennies, l’Organisation de la sécurité et de la coopération en Europe (OSCE), mais aussi son Assemblée parlementaire et celle de l’OTAN se sont également octroyé cette mission.

Le Parlement européen s’est dernièrement livré à cette pratique bien que son champ d’action ne se limite pas à la seule Europe. Et même si des accords existent entre certaines de ces institutions, il est déjà arrivé que plusieurs d’entre elles scrutent le déroulement d’une même élection pour au final se contredire sur les résultats.

Le dernier coup porté contre le Conseil s’est déroulé récemment. Lors de la cérémonie de clôture de la Conférence sur l’Avenir de l’Europe, le Président français Emmanuel Macron avait appelé de ses vœux la création d’une Communauté Politique Européenne. Directement inspirée du projet avorté de Confédération européenne, la CPE se veut être une plateforme de discussion entre les nations partageant les valeurs de démocratie, de l’Etat de droit et du respect de la dignité humaine. Un copier-collé grossier du Conseil de l’Europe en apparence.

Au travers de cet entrelacement d’organisations internationales, des missions et de compétences, c’est la crédibilité du Conseil de l’Europe qui ainsi se retrouve réduite.

Dès lors, on comprend mieux les déclarations politiques voulant réduire ou modifier la composition du Conseil de l’Europe. On se souvient de la promesse très controversée du candidat Michel Barnier, qui voulait sortir la France de la Convention européenne des droits de l’Homme. La dernière déclaration en date provient du Premier Ministre Britannique Rishi Sunak qui affirmait vouloir réformer les règles de la Cour européenne des droits de l’Homme, notamment en vue d’annuler la décision de suspendre le renvoi des migrants illégaux.

Ce n’est pas une surprise, le Conseil peine à prouver aujourd’hui son utilité, ou plutôt sa raison d’être. Miné de l’extérieur comme de l’intérieur depuis les années 2000, le Conseil a finalement attendu l’invasion de l’Ukraine par la Russie pour agir.

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